Le café de tante Agathe
C’est un rituel ! À chacune de mes visites, assez rares, il faut bien l’avouer, tante Agathe tient absolument à m’offrir un café. Mais quel café ! Elle le prépare en grande quantité, n’hésite pas à le conserver plusieurs jours et à le réchauffer avant de vous en proposer dans un récipient mi bol mi tasse et en plastique s’il vous plait ! Alors, hier, j’ai pris le risque, je me suis insurgée !
« Une tasse de café bouillant ! Quelle ignominie !
C’est vraiment tout ce que vous avez à me proposer ?
Mais enfin ! Le café c’est tout un art ! Allez ! Je vous explique tante Agathe
Il faut d’abord choisir un café de qualité.
Pour trouver celui qui nous convient il faut en essayer plusieurs.
Un élément fondamental est la torréfaction.
Sans torréfacteur point de bon café. C’est l’artiste, le créateur du goût du café.
Cela implique d’avoir du nez pour ressentir le caractère du grain, de l’oreille pour l’entendre chanter lorsqu’il cuit.
La transformation du grain de café vert en café torréfié s’appelle la caramélisation, vous vous rendez compte, tout un programme de saveurs.
Rôti quelques secondes de trop, le café se transforme en boisson insipide voir infâme.
Une torréfaction trop longue donne un café brûlé, amer et des arômes dissipés, trop courte ; elle produira un café au goût de salade ou d’épinard.
L’arabica est doux, parfumé, intense et fin en arômes.
Le robusta est plus noir, corsé, intense en arôme mais limité en finesse.
L’acidité est plus marquée dans les arabicas et quasi absente dans les robustas.
L’amertume est présente dans les deux variétés mais les robustas en sont plus marqués.
Arabica ou robusta ? C’est une affaire de goût personnel. A chacun de voir !
Un bon café se déguste comme un bon vin.
Lorsque vous tournez le café en bouche, deux saveurs fondamentales s’exhalent, l’acidité et l’amertume.
En fait, le goût du café doit persister en bouche mais rester agréable. »
Scotchée sur place la tante Agathe ! Elle n’en revenait pas de l’audace de cette pimprenelle. Elle m’a d’abord traitée de maniaque - entre nous soit dit en ce qui concerne le café, elle n’a pas tout à fait tort,
mais chut !- puis, la stupeur passée, un sourire espiègle a éclairé son visage.
« Et comment donc tu le prépares ma p’tite un si bon café ? »
« Pour le dosage, je compte une cuillerée à soupe de mouture par tasse.
Ensuite, avant la préparation, j’humecte la mouture avec de l’eau froide.
Je ne néglige jamais cette étape, c’est très important pour libérer les arômes.
Puis, je verse de l’eau frémissante, oui oui tante Agathe j’ai bien dit juste frémissante.
Mais attention ! Il convient d’utiliser une eau minérale, sans calcaire ni chlore.
Et enfin ! Je sers le breuvage dans de jolies tasses de porcelaine de grès ou de verre.
Et surtout pas je vous en prie, dans un récipient en plastique.
Et là ! Je déguste voluptueusement en prenant tout mon temps.
Alors vous comprenez tante Agathe ! Je suis vraiment désolée de décliner votre offre.
Mais une tasse de café bouillant je ne peux pas c’est un sacrilège. »
Tante Agathe m’a écoutée religieusement sans se départir d’un petit air narquois. Dans son regard pétillaient des étincelles de malice et très brillamment, sur le ton de la complicité, elle m’a mise au défit : je lui fais goûter les robusta, les arabicas, elle veut tout tester et je lui apprends à préparer le café. Il faudra aussi ressortir le service en porcelaine, celui qui est dans le placard de la grande salle.
Mais pour cela insista t-elle ! Il faudra revenir souvent et pas une fois tous les trente six du mois par politesse.
Je lui ai fait un gros bisou à ma grande tante par alliance et donné rendez vous à la semaine prochaine. Sacrée tante Agathe ! Mercredi 20 octobre 2006